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Dossier : Bien choisir son instrument.

Bien choisir son instrument.

 

A force de recevoir des excentriques qui soufflent dans de la ferraille, frottent de la palette et tapent sur à peu près tout le reste, nous commençons à saisir les codes et coutumes de ces franc-maçons de musiciens. Loin de pouvoir répondre au « Pourquoi ? », nous sommes proches de saisir le « Comment ? » et il semble opportun de partager nos observations.

Il est tout d’abord essentiel de comprendre que l’étude du musicien se base sur son observation sociologique. A l’aide d’un protocole stricte (s’asseoir, ne rien dire et les regarder d’un air désabusé) nous observons, en plus d’une hiérarchie sociale établie, des marqueurs comportementaux propres à chaque individu. Il y a les dominants bien sûr, bruyants, toujours devant, exposant jovialement leurs attributs, de ceux qu’on qualifiera d’aussi accomplis qu’un brin intrusifs. Et il y a les dominés, ou plutôt les dépités. Dans le fond, la mine basse, cherchant en vain à gratter un peu d’espace entre le mur et le rideau. Ce n’est pas tant qu’ils aient l’air malheureux, mais leur regard trahit le poids d’un lointain accident de vie.

Mais alors pourquoi ?

Comment la meute semble graver les destins de chaque individu ? On étudie d’abord à tort leurs différences physiques, mais les musiciens partagent avec une remarquable constance ce dégoût pour l’effort ou l’équilibre alimentaire. Rien de plus clair en observant leur pilosité, tant une conception toute personnelle des arts capillaires semble être un marqueur d’appartenance. Alors où chercher ?

 

…L’instrument.

 

C’est l’instrument qui détermine de la horde qui sera l’échevin du sous-verge. Et c’est bien là que le musicien se démarque de toute autre espèce animale : Point de déterminisme ni de résignation au grand Ordre génétique, il s’agit bien d’un choix.

Dès lors, compte tenu des conséquences à vie d’une décision souvent prise au berceau, il nous semble capital d’apporter notre expertise dans un guide vous éclairant sur les avantages (et les conséquences) de chaque instrument.

 

« J’aime souffler dans des endroits divers » 

Notre conseil : Orientez-vous vers la famille des instruments souffleux.

 

 

 

 

 

 

La trompette

Espèce la plus courante que l’on trouve dans les sous-bois sous nos latitudes. Le succès de la trompette s’explique par son haut potentiel de nuisance malgré un usage limité à 3 doigts, tout à fait adapté au dégoût pour l’effort précédemment cité. C’est de fait un choix évident pour le musicien né qui découvrira par la suite ses nombreux avantages :

– Une capacité à s’imposer partout, tout le temps, sans contrainte matérielle, permettant à tout moment de fomenter son méfait sans délai.

– Un droit naturel à jouer devant, plus fort et plus haut que tous les autres, magnifié par la jurisprudence « j’improvise » permettant de multiplier par 7 le nombre de notes validées en groupe.

– Un outil parfaitement adapté à tous les faciès indélicats tant souffler dans un tube à s’en faire péter une veine masque efficacement l’infamie. (cependant propre à tous les instruments souffleux)

– Une polyvalence rare : Tout trompettiste investi malgré lui dans une production de qualité peut à tout moment déclencher une bagarre en tribune ou faire tourner des serviettes, le trompettiste est craint de tous.

Les défauts :

– Il n’y en a pas. De sorte que l’obstination des musiciens à créer d’autres instruments souffleux ne témoigne que d’une obsession à devenir un artiste maudit.

Note : La trompette a ses dérivés, comme le cornet, qui n’a pour seule raison d’être que de permettre au trompettiste de se présenter comme un Cornetto. A réserver au musicien pétri d’humour.

Le trombone

Il s’agit d’une adaptation martiale de la trompette appropriée à tous types de conflits. Le trombone se voit ainsi équipé d’une baïonnette sur coulisses, permettant au musicien en état de siège de préserver son espace de scène par de grands mouvements circulaires, mais qui peut tout aussi bien s’intégrer dans une stratégie offensive en visant les yeux. Le trombone explique à lui seul le nombre de trompettistes aveugles.

Il jouit donc de la plupart des avantages de la trompette mêlés d’une dose de perversion latente, au service d’une instabilité notable et d’un caractère aussi violent qu’imprévisible.

Inconvénients : Sa réputation le précède et à moins d’envisager à terme de trahir son clan pour rejoindre les Forces du Mal, nous conseillerons raisonnablement la trompette. De fait, le trombone est également le principal suspect lors d’un meurtre sanglant dans un bal avec orchestre.

 

 

 

 

Le tuba.

Ou plutôt les tubas, puisqu’il en existe toutes sortes avec pour seules règles de peser un âne mort et de porter des noms rigolos : Euphonium, Soubassophone, Saxhorn, ou Hélicon, chaque « tuba » se doit d’honorer le nom d’un roi Nain du Seigneur des Anneaux.

Le tuba est l’instrument des esprits vengeurs, de celui qui aura essuyer mille tourments avant que ne s’abatte son courroux. Derrière tout le monde, le dos brisé à maintenir en l’air une distillerie industrielle, le trop lent tuba est le dernier à se servir : il lui reste une poignée de notes dont personnes n’a voulu. Mais quand la prétentieuse trompette aura fini de cannibaliser gloire et paillettes, le tuba le sait, il lui vaporisera l’oreille interne d’un gigantesque pet.

Avantages : Imposant, majestueux, profond, cher et ostentatoire, le tuba a tout pour briller…

Inconvénient : …mais c’est juste ingrat.

Le saxophone.

La trompette de l’esbroufe, nécessitant une soixantaine de doigts pour jouer les mêmes notes. Mais aussi celle du style tant le saxophone est désormais indissociable de la coupe mulet, du moule-paquet en lycra et de Joe le Taxi. Le saxophone est indiscutablement l’instrument de celui qui prend soin de son look, convaincu qu’il est interdit d’accorder élégance et sobriété.

Le saxophone reste l’excroissance du mâle puissant, symbole phallique absolu tant son robuste pavillon se dresse de l’entre-cuisse vers les cieux, évidemment décuplé par le plaisir de pouvoir souffler dedans.

Il est en revanche incapable de concurrencer la trompette en terme de polyvalence, son usage étant aujourd’hui légalement limité à quelques formes de jazz et aux génériques TV des années 80. (Arrêté « Jeanne Mas » du 10 juillet 1991)

Avantages :

– Seul cuivre dont le pavillon reste constamment tourné vers le haut, provoquant la jalousie des autres musiciens cherchant où poser leur gobelet.

– Sa forme en S en fait un redoutable bras de levier quand il s’agit de démonter un pneu.

– Dispose d’une mécanique assez complexe pour que tout profane vous suppose par défaut un talent certain. Attention : Si on vous demande comment ça marche, ne vous perdez pas en explications, jouez la carte du sombre et secret « Hum… tu sais, c’est compliqué ».

Inconvénients :

– Se joue à deux mains, ce qui est en fait une cible facile pour le trombone offensif.

-Doit encore respecter les délais de prescription de la justice avant de pouvoir réapparaître aux yeux de tous. (Voir l’ouvrage Careless Whisper, le devoir de mémoire)

 

 

 

 

Voici donc pour les principaux membres de la famille des instruments souffleux, en espérant ne pas avoir assommé le profane de termes techniques.

A suivre : les Bois pas en bois, les cordes bien en bois, les trucs de bourrins, etc…